Fin d’une résidence et début d’un périple qui longe le littoral jusqu’à la Rochelle
Au cours du mois de mars, Nekatoenea a accueilli Anaïs Marion en résidence dans le cadre de son projet Mégalomania (Lauréat de l’appel à projets Coopération création et territoire 2021 – Région Nouvelle-Aquitaine et réseau Astre), une résidence itinérante le long du littoral néo aquitain se déroulant de février à décembre 2022.
| 30 Mars 2022
Faisant l’inventaire des vestiges du Mur de l’Atlantique, d’Hendaye à La Rochelle, Mégalomania engage une réflexion sur la documentation des espaces amenés à disparaître, l’érosion des paysages et la relation au temps des architectures littorales.
La série Le crépuscule des échoués (début d’inventaire et de recherche sur les blockhaus du Mur de l’Atlantique) présentée au Musée national de la Marine de Rochefort était l’antichambre de son projet actuel Mégalomania: inventaire de blockhaus permettant de revisiter ces espaces et leurs constructions ancrées dans un temps historique bien précis mais depuis "installées" dans des paysages actuels voire familiers. On peut alors y lire l’érosion inévitable du littoral, l’oubli de la mémoire des travailleurs forcés à bâtir ces défenses ennemies, les tentatives actuelles de vouloir construire de nouveaux remparts contre la mer et la pollution qui en découle.
Ce projet prend la forme d’une enquête au long cours qu’elle mène comme une chercheuse alliant méthodologie scientifique et protocole journalistique. Lors de cette itinérance, elle collecte et inventorie des "données factuelles": photographies, captations d’entretiens, données scientifiques, qui permettront l’élaboration d’une œuvre protéiforme.
C’était une première partie de résidence très dense pour Anaïs Marion, avec beaucoup d’essais et de recherches: ce temps passé à Nekatoenea lui a permis d’enrichir son inventaire ainsi que de donner une nouvelle direction à son travail photographique, davantage plastique et narrative. Elle débute le récit d’un "après déluge" à l’ère du béton et des civilisations modernes, en créant un personnage qui viendrait nous raconter la "plage d’après" dans une série proche du roman photographique. Ce mois-ci elle a essentiellement fait des repérages pour ses photos le long de la côte: de la pointe Sainte-Anne à la Chambre d’Amour en passant par la Baie de Loïa, Socoa et la Côte des Basques.
Quand la météo ne facilitait pas son travail photographique, Anaïs Marion menait son enquête auprès de l'équipe du CPIE, plus spécifiquement auprès des membres du projet Arriskua, pour s’imprégner des notions sur la sensibilisation au risque et les mécanismes de l’érosion afin d’en mieux comprendre le fonctionnement.Forte de ces enseignements, elle a concentré la recherche plastique et visuelle sur l’érosion, l’idée d’un littoral qui bouge et elle a intégré le mécanisme du risque à son travail d'écriture. Elle a complété ces entretiens indoor par deux visites de terrain, l’une avec des géologues et la seconde avec un bénévole de l’association, ce qui lui a encore permis de compléter ses connaissances scientifiques et d’éclaircir des questionnements en matière de politique de l’environnement sur la question des nouveaux remparts contre l’atlantique.
A la fin du séjour, lors de sa visite du château d'Abbadia, la figure d’Antoine d’Abbadie a fait écho au lien entre recherche scientifique et intuition mystique et mythologique qui étaient sous-jacents dans son propre travail. Cela l’a poussée à s’intéresser à l’usage de la langue basque, à la manière de penser différente qu’elle implique, ainsi qu’à la mythologie et la culture pyrénéenne: une rencontre avec l'équipe du Musée Basque de Bayonne est prévue en ce sens.
En quittant ce premier séjour en résidence, Anaïs Marion partait poursuivre son périple de Bayonne, à Capbreton, puis les Landes et Bordeaux. L’objectif est d’établir un relevé de cote avec des scientifiques et de mettre en corrélation son propre relevé satellite des coordonnées des Blockhaus avec le leur.
Lors de sa deuxième session en octobre prochain, il s’agira pour Anaïs Marion d’établir un lien entre tous ces éléments hétérogènes - réminiscences des ruines, risques liés à l’érosion, mythologie basque, langage – afin d’imaginer un mythe contemporain.