Club Superette - Marie Glasser et Mattéo Tang Line Foot
Le collectif Club Superette est composé de deux artistes, Marie Glasser et Mattéo Tang Line Foot, iels se présentent comme des sculpteur·ices, lecteur·ices de S.F, cueilleur·euses de champignons et jardinier·es.
"Ces différentes pratiques influent sur notre rapport au monde et s’inscrivent dans une réflexion sur la déconstruction du rapport binaire nature-culture1 et sur l’imaginaire comme lieu politique. Nos œuvres forment des écosystèmes où se trouvent des sculptures-objets à l’usage des non-humains, ainsi que des créatures pensives et mélancoliques qui observent, se prélassent et habitent un espace. Ces créatures douces et étranges prennent corps et tentent de proposer aux spectateur·ices une expérience de l’altérité et de se rendre attentifves à d’autres formes de vie. Faites d’argile, de latex, de bois ou encore de papier mâché, chacune d’elles est à nos yeux vivante, concerné·es par ce qui les entourent. Ces sculptures sont en relation entre elles et aussi avec des insectes, des pierres, de l’eau, des chats, des champignons... Elles cherchent à convoquer les paysages d’un autre monde et à tisser des liens sensibles fait des relations symbiotiques, mutualistes ou coévolutives.
Avec nos sculptures, nous essayons d’échapper à toute interprétation univoque et qu’elles soient ouvertes à une polyphonie de perception. Nous cherchons à partager des bribes d’histoire non-humaines, récoltées dans notre fiction-panier2 loin du temps techno-héroïque, des histoires alternatives aux discours dominants qui perçoit le vivant comme réifié, séparé de nous, à exploiter ou à exterminer."
Texte extrait de leur note d’intention.
1. D’après les travaux de l’anthropologue Philippe Descolas et de la philosophe Donna Haraway. Philippe Descola démontre que la nature est un concept occidental produit par la stratification de la philosophie grecque, de l’anthropocentrisme religieux et de la révolution scientifique. Natureculture (concept développé par Donna Haraway) est une synthèse de la nature et de la culture qui reconnaît leur inséparabilité dans des relations écologiques formées à la fois biophysiquement et socialement. La Natureculture est un concept qui émerge de l’interrogation savante des dualismes qui sont profondément ancrés dans les traditions intellectuelles des sciences et des sciences humaines (par exemple, humain/animal; homme/femme; nature/ culture).
2. Ursula Le Guin (autrice de science-fiction américaine), édit Photograla théorie de la fiction-panier ap(1986) Via une approche anthropologique de civilisation extra- terrestre dont les membres sont perçu·es comme des alter-ego et non des figures menaçantes, Ursula Le Guin nous propose une altérité radicale qui nous permet de nous sentir nous-même extraterrestres et de questionner nos propres systèmes. Investir l’imaginaire permet de prendre conscience de celui -viriliste, dominateur et productiviste- qui depuis trop longtemps domine, puis de le déconstruire et d’en reconstruire d’autres. En se basant sur la Théorie du Panier de l’évolution humaine de l’anthropologue Elizabeth Fisher, Ursula Le Guin propose - en alternative aux récits guerriers qui glorifient la puissance du Héro- la création de récits de cueillette.
Dans le cadre de leur résidence à Nekatoenea, le collectif souhaite articuler une partie de leurs recherches sur les vers de terre et plus particulièrement leurs déjections nommées turricules (notamment pour leur aspect esthétique qui leurs rappelle la technique du colombin utilisée lors de la création de céramique). Iels sont intéressé.es par l’action et la présence de ces acteurs peu visibles.
"Les vers de terre résidant dans le site naturel protégé de la Corniche basque, ne sont peut-être pas différents de ceux qui vivent ailleurs, mais à leur manière ils façonnent le territoire. Avant le 19e siècle, les vers de terre étaient considérés comme des nuisibles détruisant les récoltes, jusqu’aux observations de Charles Darwin1 et d’autres naturalistes qui ont permis la mise en avant de leur rôle dans la formation de la terre végétale. En effet, les vers de terre, en ingérant de la terre à la fois pour creuser leurs galeries et pour se nourrir, défèquent à la surface2 du sol une matière organique extrême riche en végétaux.
Et si nous décidions de considérer que les turricules sont des sculptures, quels seraient les changements dans nos perceptions du vivant? Nous relions ces histoires de déjections à une idée d’Ursula Le Guin: la thérolinguistique. “Le terme thérolinguistique a été forgé à partir du grec thèr “bête sauvage”. Il désigne la branche de la linguistique qui s’est attachée à étudier et à traduire les productions écrites par des animaux [...] Apparaîtront, au fur et à mesure que cette science explora le monde dit sauvage, d’autres formes expressives qui débordent des catégories littéraire humaine” 3. Cette question de turricules-sculpture ouvre une fiction, un exercice de pensée, un “et si on regardait autrement”. C’est aussi porter à la vue des choses qu’on n’a peut-être pas l’habitude de regarder, de considérer. Nous avons cette intuition - autour des idées d’ingestion, de manière de percevoir, de traduction - qu’il est possible que nous ayons quelque chose à faire avec les turricules. "
Texte extrait de leur note d’intention.
1. Rôle des vers de terre dans la formation de la terre végétale Charles Darwin (1882)
2. Vivre avec le trouble, Donna Haraway (2020)
3. Autobiographie d’un poulpe et autres récits d’anticipationé, Vinciane Despret (2021)
Crédit Photographique: Club Superette - Estraven - 2020 / sculpture, 1m84 / papier-mâché, bois, yeux de verre, cailloux, graines / Vue d'atelier.
Instagram: @club.superette